LE MATIN D’ALGÉRIE, Youcef Zirem, jeudi 12 octobre 2017


« Climats de France de Marie Richeux : un roman plein de clarté »

« C’est un roman qui plonge dans la mémoire des uns et des autres. Ici et là-bas ; en France et en Algérie.

Le fil conducteur de ce texte, poétique, profond et lucide, est un architecte, Fernand Pouillon ; c’est lui qui a imaginé deux cités, l’une à Alger et l’autre à Meudon-la-Forêt, en région parisienne. La romancière se souvient d’une nuit de chant dans sa cité, un chant pour guider l’âme du mort, Abdelkader, victime d’une overdose à l’âge de 33 ans. Malek le père d’Abdelkader est arrivé à Paris au début de la guerre d’Algérie: c’est dans cette ville où la guerre fait rage entre le MNA et le FLN qu’il rencontre Lucienne avec laquelle il va habiter dans un petit appartement près du métro Parmentier. […] Les mains sur la barrière, alors qu’Alger m’offre une de ses belles vues, je pense à la grande cité de Bab el-Oued comme à un amoureux laissé brutalement et dont je ne connaîtrais pas le nom. Je ne sais pas encore que cette cité a été dessinée par le même homme que celui qui pensa l’immeuble où j’ai grandi. Je ne sais pas encore qu’une pierre de taille, fameuse, me relie à cet endroit. Je ne sais pas encore que, pour aller d’un endroit à un autre, il ne suffira pas de traverser la mer, il faudra traverser la guerre, entendre la lutte et voir se déployer dans des textes et des voix une démente escalade de violence.

Roman sans chronologie, Climats de France brasse plusieurs haltes historiques pour interroger la folie des hommes et leur don d’installer indéfiniment le malentendu. Jacques Chevallier, ancien maire d’Alger, Fernand Pouillon, l’abbé Pierre, Germaine Tillion s’expriment dans ce roman : en peu de mots, ils restituent l’ambiance d’une époque révolue. La cité se tient au croisement de la violence, de la résistance et de l’espoir sincère de la fraternité. (…) Les hommes travaillent déjà dans le petit jour. Il y a du vivable dans la guerre. Voilà ce que l’on apprend contre soi-même, loin des partitions simples, à soixante ans d’écart. De ses virées algéroises, Marie Richeux saisit la complexité d’un pays qui se cherche. La guerre mais aussi celles qui ont suivi – la bataille économique des années quatre-vingts, les différents soulèvements kabyles, les années noires – sont sur toutes les lèvres tout le temps. En fait, il n’y a aucun répit, finis-je par me dire. Ni répit, ni repli.

Marie Richeux évoque également dans ce roman, avec des mots très forts, originaux et précieux, dénués de toute haine insensée, la violence terroriste qui frappe la France ces dernières années. Climats de France est un roman que parcourt une douce et belle clarté, telle celle qui existe en Afrique et qui manque terriblement à tous les exilés. Climats de France est un bijou qu’il faut posséder, lire et relire ; c’est une perle rare qui incite à devenir meilleur que soi-même. »