LIBÉRATION, Émile Rabaté, mardi 4 novembre 2014


« Yanick Lahens, Bain de lune sur le Femina »

« L’Haïtienne a été consacrée lundi pour son quatrième roman, tout en variations politiques […], chronique violente et poétique d’un conflit opposant deux familles ennemies dans un village côtier en Haïti. L’auteur a été élue au deuxième tour par six voix contre quatre à Marie-Hélène Lafon pour Joseph.
[…] C’est donc un nouveau couronnement pour la littérature haïtienne. […] Un symbole également pour Sabine Wespieser, fidèle éditrice de Yanick Lahens depuis La Couleur de l’aube (2008), qui décroche, grâce à leur collaboration, son premier Femina français. […]
La récompense est méritée pour ce quatrième roman, écrit de main de maître. Ce qui faisait déjà la qualité des livres précédents se révèle ici dans toute sa splendeur : le réalisme des personnages, la puissance poétique des images, la finesse des descriptions, l’audace de la composition… Yanick Lahens fait montre de son talent, sans jamais céder à l’ostentation. À la manière des plus grands, elle avance sereinement sur le chemin qu’elle suit depuis ses débuts. De Dans la maison du père (2000) à Guillaume et Nathalie (2013), la romancière sonde la relation de l’intime avec l’historique, l’articulation de l’individuel et du collectif dans des Bildungsroman résolument féministes.
Bain de lune se distingue toutefois par l’ampleur inédite que prend cette entreprise. Les trois premiers romans couvrent des périodes courtes (une journée, une paire d’années) et mobilisent un petit nombre de personnages. Le dernier retrace les trajectoires de deux familles entières sur quatre générations en Haïti, du début à la fin du XXe siècle. À travers la violence des querelles qui opposent les Lafleur et les Mésidor, Yanick Lahens explore les résonances entre une tragédie familiale et l’histoire tourmentée de l’île. […]
Lahens elle-même confie ne pas s’être encore mise à son prochain roman. Je suis encore à Anse Bleue, dit-elle en référence au village qui sert de décor au roman. Je suis allée si loin que c’est difficile d’en revenir. J’ai attendu quinze ans pour pouvoir faire ce voyage, depuis que j’ai publié une nouvelle du même titre en 1999. Je suis ravie d’avoir attendu. Mais ce n’est qu’une escale. Vivement le prochain départ. »