- Livre : James & Nora
- Auteur : Edna O'BRIEN
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- Revue de presse
LE MONDE DES LIVRES, Macha Séry, vendredi 2 avril 2021
« QU’ELLE SE DÉLESTE DE SES CORSETS ET JUPONS ! Qu’elle le flagelle ! Qu’elle lui donne l’entièreté de son âme ou sa culotte à frou-frou ! Entre James Joyce (1882-1941) et sa future épouse Nora Barnacle, croisée dans une rue de Dublin le 16 juin 1904 – la journée cadre d’Ulysse –, se noua une fulgurante passion érotique dont témoignent les “dirty letters” : soixante-quatre missives brûlantes rédigées par l’écrivain entre 1904 et 1909 et publiées tardivement in extenso des deux côtés de la Manche.
Ces Lettres à Nora (Rivages, 2012), la romancière irlandaise Edna O’Brien, 90 ans cette année, les qualifie d’“enragées” dans un bref volume aux accents fripons : “Les deux parties [du] corps [de Nora] qui faisaient des sales petites choses étaient pour lui [James] les plus charmantes, la favorite étant son cul. Il se languissait de ses lèvres bredouillantes, de ses mots orduriers célestement excitants, du parfum de ses sales pets gras de jeune fille ; il faisait comme elle disait et couchait avec la lettre et se paluchait espérant qu’elle se chatouillerait le minou en lui écrivant.”
Déjà autrice d’une biographie de son compatriote (Fides, 2002), elle-même réputée pour son œuvre abordant franchement la sexualité, Edna O’Brien décrit, au fil des pages, les péripéties de vies et de sentiments qui unirent ces époux libres de corps et d’esprit. Dans James & Nora. Portrait de Joyce en couple (traduit de l’anglais par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat, Sabine Wespieser, 96 pages, 13 euros, numérique 9 euros), elle commente ainsi, en une succession d’instantanés, la soif d’exploration, à la fois charnelle et intellectuelle, qui anima son mentor en littérature. “Il s’immergea tel un plongeur de haute mer, pour tout découvrir d’elle. Elle devait être terre et informe, elle devait être obscure, à l’occasion embellie par le clair de lune (un peu comme un lampyre), elle ne devait être qu’à demi consciente de la myriade de ses instincts fluides.”
Un récit “funnominal” – néologisme forgé par Joyce lui-même. »