AOC, Marcelline Delbecq, mardi 5 octobre 2021


Pudique roman d’une grande intensité, Sages femmes rapièce les vies de ces filles-mères déconsidérées, et par là de ces nouveau-nés jugés « illégitimes ». En enquêtant sur ses propres aïeules, toutes tisserandes ou couturières, la narratrice interroge sa propre existence – et file la métaphore du tissage pour rendre tangible ce qui se joue dans cette transmission discrète, lorsqu’elle devient mère à son tour.

Il faudrait pouvoir parler de Sages femmes, le quatrième livre de Marie Richeux aux éditions Sabine Wespieser — et troisième dont la narratrice a pour prénom Marie — sans rien en dévoiler. Une gageure. Car se plonger dans ce pudique roman d’une grande intensité, et que pendant toute la lecture l’on pourrait prendre pour un récit, demande à n’avoir aucune idée de ce qu’il recèle. Une boîte à merveilles comme l’étaient certaines boîtes à couture, comme le sont encore certains albums photographiques ou registres d’archives.

Mais en tentant de ne rien en dévoiler, par quel bout le prendre, qu’en livrer sans le trahir, sur quel fil tirer pour que l’ouvrage se détisse de lui-même, comme s’y obstinait Pénélope dont le geste chaque fois réitéré pourrait être la métaphore de tant de vies non consignées ? Tant de femmes ayant parcouru ou parcourant leur temps en toute discrétion, menus travaux et labeur acharné, silences obligés et donneuses de vie à des nouveau-nés – ici de nouvelle-nées illégitimes qu’elles choisiront de garder – pour qu’en grandissant, ces petits êtres tissent à leur tour une toile discrète dans un monde d’hommes, toiles ouvragées aussi fragiles que celles, admirables, des araignées. […]

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