SUD OUEST DIMANCHE, Alexandre Fillon, dimanche 5 juin 2022


Louée soit Sabine Wespieser qui vient aujourd’hui remettre à la lumière l’œuvre d’une écrivain irlandais de premier plan. Aussi étrange que cela puisse paraître, la majorité des livres traduits en France de John McGahern sont indisponibles. Difficile de se procurer ses romans ou ses nouvelles – le natif de Dublin excellait tout autant dans les deux formes –, de L’Obscur aux Huîtres de Tchekhov en passant par Pour qu’ils soient face au vent.
L’éditrice a choisi de commencer par reprendre Entre toutes les femmes, puissant roman datant de 1990 et traduit dans la foulée aux Presses de la Cité.
Michael Moran a participé à la guerre d’indépendance de l’Irlande entre 1919 et 1921. Un temps où il passait pour être le cerveau de sa colonne. Veuf au caractère solidement trempé, Moran habite une maison de pierre dans le village rural de Grande Prairie.

Cet homme sur le retour, aux « changements d’humeur moins prévisibles que les marées » a trois filles et deux fils. L’aîné, Luke, est parti à Londres sans revenir depuis. Les filles, elles, l’entourent, en oubliant sa capacité de rancœur et d’amertume.
Au bureau de poste où il apprécie de se rendre lors du passage de la camionnette du courrier, Moran aime à voir l’intérêt que lui porte Rose Brady. Une femme nettement plus jeune que lui, rentrée de Glasgow où elle était gouvernante. Rose a beaucoup d’admirateurs, mais c’est pourtant lui qu’elle a élu pour époux contre l’avis de sa famille. Qu’importe si c’est toujours Moran qui régente, qui fait plier à sa guise. Qui blesse les siens avec ses mots durs et son manque d’entrain. Qui en veut sans cesse à la terre entière…

La plus grande force de John McGahern est sans doute sa sobriété narrative. Sa manière de tenir les rênes d’un formidable mélodrame sans effets inutiles. Le résultat n’en est que plus cinglant.