Françoise HUGUIER
Dans sa préface au « Photo poche » consacré à Françoise Huguier, Gérard Lefort évoque ainsi le travail de cette grande dame de la photographie qui, depuis bientôt quarante ans, arpente le monde, les podiums et les coulisses : « Au moment de refermer les livres de Françoise Huguier, juste après s’être baigné dans une centaine de ses photographies, que reste-t-il ? Un prolétaire russe qui boit à même le bec d’une bouilloire dans une fonderie de nickel de Norilsk. Une jeune fille bozo en soutien-gorge incongru à Mopti au Mali. Une évanescence de bleu outremer à la fin d’un défilé Thierry Mugler en janvier 1997. Un beau jeune homme fier et triste, manœuvre dans une plantation cambodgienne. Tous sont comme les personnages d’une fiction internationaliste. Tous sont héros de l’ordinaire. »
Celle dont le début de la vie a été marqué par une histoire qu’elle-même qualifie de romanesque – elle fut enlevée, à huit ans, par des Viêt-minh dans une plantation d’hévéas que dirigeait son père au Cambodge et resta otage six mois –, décide de poser des mots, et uniquement des mots, sur son étonnant parcours, dans Au doigt et à l’œil (Sabine Wespieser éditeur, 2014) : ses chapitres sont intitulés « La jungle maudite », « La fiancée du Christ » (pour les années de formation de la jeune aristocrate bretonne qu’elle fut), « Les années pin up », « La femme du coupeur de tête », « Japon déclencheur », « On ne dit pas bonjour dans ma nouvelle famille » (ou son arrivée à la rédaction de Libération), « C’est qui la Callas ? », « L’Afrique, de Rock & Folk à Michel Leiris »… Des titres qui, à eux seuls, en disent long sur l’humour et le sens de la formule de cette femme aussi libre que déterminée.
Après les années de formation et de reportages tout-terrain, elle s’est vite lancée dans des projets personnels, sujets d’autant de livres : Sur les traces de l’Afrique fantôme (avec Michel Cressole, chez Maeght en 1990), En route pour Behring – Notes de voyage en Sibérie (Maeght, 1993), Secrètes (photographies de femmes maliennes et burkinabées, Actes Sud, 1996), Sublimes (sur le monde de la mode, Actes Sud, 1999), J’avais huit ans (son retour au Cambodge, Actes Sud, 2005) et Kommunalki (plongée dans les appartements communautaires à Saint-Pétersbourg, Actes Sud, 2008).
Après de nombreuses expositions personnelles ou collectives, une rétrospective est consacrée à Françoise Huguier à la Maison européenne de la Photographie en juin 2014.