BLOG LILI AU FIL DES PAGES, Lili Fischer, mardi 10 janvier 2023


Après la lecture de « Les Ravissements » de Jan Carson, je me suis longuement interrogée. Faut-il être née dans un pays qui a connu tant de déchirures (l’Irlande du Nord) pour que naisse une auteure sensible, au juste ton, et qui ose avec distance, d’une écriture sobre et moderne, évoquer l’enfance, les couples qui s’aiment (même s’ils sont restés, comme on dit aujourd’hui, un peu coincés et le regard d’une petite fille d’une dizaine d’années qui voit mourir autour d’elle les dix enfants de sa classe (ils étaient onze).

Quel est ce mal mystérieux ? La communauté de Protestants fondamentalistes dont elle est issue s’interroge. Hannah, plus que d’autres. Quand les parents sont en réunion pour les affaires de l’église, elle est chez ses grands-parents.

Comme on les aime. Ils sont le grain de fantaisie pour la gamine. Le grand-père promet de ne pas mentir. Il ne sait pas ce qu’est le paradis, ni ce que le Jésus demande. Le même Jésus que prient les Catholiques qui, pourtant avec les Protestants, sont auteurs des Troubles. On parle ainsi.

Comment sortir de ce piège des questions existentielles qui n’ont pas de réponses ? Il faut oser vivre, garder le sourire. Hannah a une qualité d’exception. Les enfants qui sont morts ne le sont pas. Ils reviennent discuter avec elle, lui transmettre des messages. Une manière d’affirmer, sans doute, que ceux qui ne sont plus, demeurent vivants tant que nous continuons de penser à eux. Ne sont-ce pas les vivants qui sont gages d’éternité ?

Jan Carson confie à la fin de son ouvrage avoir profité des confinements pour écrire et affirme, qu’il faut bien être givrée pour oser ce qu’elle a produit. Il me faut au contraire la détromper. Elle n’est pas givrée, elle est simplement une belle auteure qui change nos regards et nous fait grandir.