LIVRES HEBDO, Marie Fouquet, octobre 2024


Les éditions Sabine Wespieser rééditent les premiers romans d’Edna O’Brien, qu’elle a voulu réunir en une trilogie dès les années 1980. Ils témoignent du combat littéraire et féministe qu’a mené toute sa vie la romancière décédée cet été.

Envers et contre tous. L’histoire de ce livre est celle d’une vie, de la naissance d’une voix littéraire majestueuse, mais aussi celle d’une aventure éditoriale passionnante. Entrée au catalogue de Sabine Wespieser en 2009 avec le roman Crépuscule Irlandais, Edna O’Brien a été, jusqu’à sa disparition le 27 juillet dernier à 93 ans, traduite et publiée chez l’éditrice. Aujourd’hui ses trois premiers livres paraissent de nouveau dans une magnifique édition intitulée Country Girls. Elle comprend Fille de la campagne (d’abord publié chez Julliard sous le titre La Jeune fille irlandaise), Seule (anciennement Jeune fille seule) et La Félicité conjugale, réunis chez Fayard en 1988 dans une trilogie à laquelle Edna O’Brien avait ajouté un épilogue.

Edna O’Brien avait 30 ans lorsque La Jeune fille irlandaise a été publié pour la première fois dans son pays, en 1960. Dès ce premier titre, les foudres de la société patriarcale et conservatrice de son temps se sont abattues sur elle. Ses sept premières œuvres ont été qualifiées d’indécentes et obscènes, et donc interdites. Le curé de son village a même brûlé en place publique son premier texte. Ce livre, comme les deux suivants et ceux à venir, est intimement lié à sa propre vie. Son œuvre pourrait être qualifiée d’autofiction, de façon presque anachronique. Dans le premier opus, on rencontre la protagoniste, Caithleen, en Irlande, dans la ferme de ses parents. Après avoir obtenu une bourse d’études, elle quitte la campagne et rejoint un couvent, suivie de son amie Baba. Les deux amies, qui ne supportent pas l’ambiance et la cruauté du quotidien monial, le fuient et s’installent à Dublin, « en ville », où elles expérimentent leurs premières relations amoureuses et sexuelles. Mais bientôt une rivalité s’installe entre ces deux personnalités contraires, l’une soumise et naïve, l’autre dominante et aventureuse. Au cours des deuxième et troisième volets, ce sont les hommes qui vont avoir raison de ces femmes : le mari pygmalion, le père ivrogne, entravent la carrière de Caithleen. Les deux jeunes femmes évoluent en étant bien déterminées à ne pas se laisser faire et à vivre pleinement leur liberté. Mais l’issue d’une telle détermination pourrait se révéler dramatique.

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