LE FIGARO LITTÉRAIRE, Mohammed Aissaoui, jeudi 25 janvier 2018


« Rentrée littéraire, huit auteurs à découvrir : Une île est une page blanche »

« Il a fallu tirer au sort entre son compagnon et elle : un seul passager peut embarquer à bord du langoustier l’Austral pour se rendre sur l’île de Tristan da Cunha, dans l’Atlantique Sud. La côte la plus proche est à sept jours de mer. C’est ainsi qu’Ida, la Française, se retouve à bord du langoustier et débarque sur « cet ilôt minuscule » avec une dizaine d’autres nationalités. Elle laisse Léon à qui elle adresse de courtes missives.

À partir de ce décor âpre et sensuel, Clarence Boulay nous invite à un éblouissant voyage en littérature. Tristan, c’est une île, c’est un prénom et un personnage insaisissable – il se trouve qu’Ida dessine, c’est l’une de ses activités au sein de ce lieu coupé du monde vivant au gré du temps et où il faut savoir tout faire : pêcher, cuisiner avec ce qu’il y a, bricoler, chasser les pétrels, soigner les oiseaux mazoutés, économiser l’énergie, ne pas bien connaître les autres mais accepter qu’ils sachent tout sur vous, attendre… Oui, on attend beaucoup sur cette île capricieuse qui ne se laisse pas facilement aborder. « L’attente. Encore elle, celle qui nous oblige à confondre l’instant avec la durée et la durée avec l’éternité », écrit si joliment Clarence Boulay, qui installe une atmosphère étrange et captivante avec ses descriptions physiques et intérieures. Parfois, une île est une page blanche : « Autour de moi, des lambeaux de passé virevoltent dans les airs, laissant découvrir une peau neuve, fraîche, remplie des possibles que je sens poindre à l’horizon. » À un autre moment, elle dit : « Au fur et à mesure que je marche, j’ai l’impression d’entrer dans un conte, de parcourir un dessin, comme si tout ce qui m’entourait était à la fois bien réel et complètement illusoire. » C’est exactement ce que l’on éprouve à la lecture de ce magnifique premier roman, tout en délicatesse. »