- Livre : Polaroïds
- Auteur : Marie RICHEUX
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- Revue de presse
BLOG MATÉRIAU COMPOSITE, Guénaël Boutouillet, mercredi 25 septembre 2013
« Ce moment du Polaroïd, prise de risque étonnante, où Marie Richeux met l’entretien radiophonique en pause, pour lire ses 1 500 signes du jour, deux minutes de lecture qui font signe, son, sens, et images, au cœur d’une discussion parfois tout autre ; ce moment du Polaroïd est une étrange cristallisation, qui passe comme sans se faire voir (quand c’est l’après-midi on s’active souvent par ailleurs, et la radio nous fait bruit de fond, décorum), mais dont toujours quelque chose surgit. Même quand, fort occupé par mille autres choses, on n’en distingue rien, on a entendu quelque chose, on le sait – on ne sait pas quoi, mais on sait que quelque chose s’est fait entendre, a tinté (teinté) en soi. […]
En ses Polaroïds, à la réécoute, demeure cette émanation, soudaine douceur, sucrée surprise ; et l’on se penche et commence d’entendre, non plus les inflexions de la voix, mais portées par celles-ci, les alliances contre-nature, traverses, inflexions, pas de côté, celle qui s’exposent en leur concret de langue, dans ces Polaroïds faits livre.
Et : c’est cela qui advient, à la lecture de ces instantanés, la découverte d’une langue, entre syntaxes en brisures, effets de rupture dès l’abord, énonciations mouvantes, avec force tutoiement décidé, piquant, emportant, lexique plein de surprises, de bribes d’oralité (les mots malbac, barbecue, baskets, et ces réels-là qu’ils charrient, ces gens sur lesquels Marie Richeux plutôt que de poser son regard, capte les éclats qu’elle nous donne à voir). […]
Le livre donc fonctionne, fait effet autre à qui n’aurait jamais entendu la parleuse. Et sa matière hybride enclenche – hybride sur deux plans : en chaque texte, qui, s’il pose un regard tournant autour d’une, ou plusieurs, personnes vues en passant, et s’il maintient son énonciation, qu’elle soit de tutoiement intérieur ou d’adresse, à la première ou troisième personne, fait toujours, au moins, une vrille, pirouette, déport, forward ; et à l’échelle de l’ensemble, constituant un corpus évidemment hétérogène, un collage dont on reprend les pièces, pour en recomposer une toujours autre version.
Un album.
Un bel album.
(Très). »