Coup de cœur de la librairie POINT VIRGULE (Namur, Belgique)
« C’est un livre qui s’avance à bas bruit. Sa discrétion est là déjà dès le titre, comme programmatique: ici rien de spectaculaire, il ne sera question que de petites choses. Et pourtant, les lecteurs qui suivent l’Irlandaise Claire Keegan depuis Les Trois Lumières, publié par Sabine Wespieser il y a presque dix ans, savent combien ses livres sont retentissants. Intenses. Vibrants. Inoubliables. Ce genre de petites choses, c’est ce qui vient bouleverser le quotidien de Bill Furlong, marchand de charbon dans une petite ville d’Irlande. Père aimant de cinq filles, époux dévoué, Bill a plutôt bien réussi. Ce n’était pas écrit d’avance pour l’enfant sans père qu’il a été. De ses années-là, de la vulnérabilité de sa mère enceinte à quinze ans, Il a gardé la conscience que « ce serait la chose la plus facile au monde de tout perdre ». Alors Bill s’accroche, travaille dur, essaie de mettre de la bonté dans l’âpre quotidien. Quand s’ouvre le roman, la fin d’année est proche, le froid bien installé. Jamais les corneilles n’ont été aussi nombreuses qu’en cette année 1985. Dans l’Irlande catholique, tout le monde se prépare à célébrer Noël. Installé à la lisière de la ville, le couvent en est pourtant comme le cœur battant, l’endroit où tout se sait, où tout se juge, où les enfants vont à l’école. En y livrant un matin le charbon commandé par les sœurs, Bill va faire une découverte qui l’ébranle au plus profond. « Pourquoi les choses les plus proches étaient-elles souvent les plus difficiles à voir ? » se demande Bill. Il sait que pour lui, désormais, rien ne sera plus comme avant. Il sait que « pour se regarder en face dans le miroir », il lui faut trouver le courage de mettre en péril tout ce qu’il a si patiemment construit — son identité, sa famille, sa réputation. C’est le cheminement de cet homme simple et généreux que nous donne à suivre Claire Keegan, avec une palette de sentiments et d’émotions d’une infinie richesse. Ce genre de petites choses nous parle intimement de la plus grande de toutes : l’audace d’espérer et de construire un autre monde. Plus que jamais, nous avons besoin de cette audace-là. » • Anouk Delcourt