- Livre : Les Petites Chaises rouges
- Auteur : Edna O'BRIEN
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ELLE, interview par Pascale Frey, vendredi 23 septembre 2016
« L’amour est vraiment aveugle ! »
« Après ses mémoires, Edna O’Brien revient à la fiction, en publiant un roman intimiste et engagé, que son ami Philip Roth a qualifié de chef-d’œuvre. Rencontre avec la star de la littérature irlandaise.
Elle – Quelle est l’étincelle à l’origine de ce roman ?
Edna O’Brien – J’avais envie, depuis longtemps, d’écrire un livre qui soit à la fois personnelet ouvert sur le monde. Un soir, à la télévision, j’ai vu l’arrestation de Radovan Karadzic, le « boucher des Balkans » […]. Pendant sa cavale, il était devenu une sorte de thérapeuthe spécialisé dans le sexe, et était presque considéré comme un saint ! Cette dualité monstre-saint m’a intéressée.
Elle – Pourquoi l’avoir transposée en Irlande ?
E. O. – Tolstoï affirmait qu’il n’y a que deux sortes d’histoires à raconter : un homme qui voyage, et un étranger qui arrive dans une ville. J’ai alors pensé que je ferais débarquer mon personnage dans un village irlandais, parce que c’est un pays que je connais, et qu’il allait charmer. Il fallait aussi une histoire d’amour, avec une femme, aussi intelligente soit-elle, capable de tomber amoureuse d’un meurtrier. L’amour est vraiment aveugle ! Par ailleurs, mon héroïne, Fidelma, deviendra l’une des victimes collatérales de cette guerre de Bosnie qui a pourtant lieu à des kilomètres de chez elle.
Elle – Les Petites Chaises rouges est divisé en trois parties, un peu comme s’il s’agissait de trois romans différents.
E. O. – Ce sont plutôt trois mouvements d’un même concerto. Je voulais que la première partie, qui se déroule en Irlande, ressemble à un conte de fées. La deuxième raconte l’errance de Fidelma, qui a dû fuir son village (elle fut la maîtresse du monstre), et se retrouve à Londres, en compagnie de personnes encore plus démunies qu’elle. Cela va lui permettre de trouver le chemin vers la sérénité. Et la troisième partie est sa confrontation avec le génocidaire Dragan, lorsqu’il comparaît devant le tribunal de La Haye. […] »