- Livre : Il n'y aura pas de sang versé
- Auteur : Maryline DESBIOLLES
- Revue de presse
ENCRES VAGABONDES, Isabelle Rossignol, lundi 17 avril 2023
https://www.encres-vagabondes.com/magazine9/desbiolles.htm
On aime Maryline Desbiolles. On l’aime pour son écriture mais aussi pour sa manière toujours juste de rendre hommage à ce mot si maltraité par les politiques : le peuple. Ce n’est évidemment pas au mot seul qu’elle sait rendre hommage. C’est aux hommes et aux femmes qui constituent ce peuple. Aux anonymes.
Ici, c’est vers les femmes qu’elle s’est tournée. Déflorer l’histoire serait dommage car il est si bon de se lancer dans la course de l’ouvrage sans la connaître. On est ainsi aussi novices que ces femmes dont Maryline Desbiolles va nous révéler quelques mois d’existence, quelques mois fondamentaux de l’année 1868, des mois qui vont changer le cours de leur vie.
Dire que l’on se lance dans une course en lisant Il n’y aura pas de sang versé n’est pas une image. Le principe narratif de l’auteure est en effet de nous faire vivre l’histoire de ces femmes par le biais d’une course de relais. Quatre femmes sont sur la ligne de départ et elles vont se relayer tour à tour, courant, courant pour remporter non pas une victoire, plutôt prouver qu’elles ont le droit de courir, le droit de vivre, le droit d’être femmes. Femmes ouvrières très exactement. Femmes qui veulent revendiquer et le font. Femmes qui se lèvent et se battent côte à côte.
À travers une lutte de l’autre siècle, c’est à une lutte d’aujourd’hui que Maryline Desbiolles nous renvoie. Les mêmes quêtes, les mêmes désirs : exister en travaillant, exister en étant femmes – exister mieux. On connaît cela, revendication éternelle et qui, en cette année 68 d’un autre siècle que notre beau Mai 68, annonce des luttes à venir, des virages de l’histoire ouvrière et politique. On connaît mais il ne faut cesser de le redire, d’en parler, de le mettre en scène et en voix, de porter haut l’étendard de la lutte.
Maryline Desbiolles le fait en courant elle-même, en chantant, le cœur animé d’une envie de redire et répéter l’essentiel des femmes et des luttes. Son écriture en est plus vive que jamais. Poétique à souhait bien que nourrie de références historiques qui font que l’auteure se met dans les pas de nos illustres historiennes françaises, Michelle Perrot en particulier, qu’elle ne manque pas de citer en exergue afin de lui exprimer sa reconnaissance.
Nous, c’est à Maryline Desbiolles que nous exprimons la nôtre pour avoir su donner voix et corps à ces femmes debout, même si, hélas, leur destin ne sera pas encore celui de la liberté. Mais à coup sûr, on leur doit la nôtre.