ÉTUDES, Sylvie Koller, avril 2023


Enfant, Michèle Lesbre pêchait à la ligne avec son grand-père dans un petit étang. La maison du petit étang, celle des grandes vacances, est le souvenir source qui irrigue son récit. Tout se raconte et ricoche autour de lui : l’enfance, les grands-parents Léon et Mathilde qui gardent leur part de mystère, les lectures de toute une vie, les souvenirs de voyage. L’histoire aussi remonte à la surface, dans sa dimension tragique, de la Grande Guerre à la guerre d’Ukraine. Au fur et à mesure qu’elle révèle cette trame cachée de sa vie déjà longue, repêchée aussi dans son journal par bribes, cette vagabonde dans l’âme nous instruit d’un projet de voyage en accord avec sa vocation. Elle aime la Loire, la Seine dont elle longe les quais à Paris et d’autres fleuves ou rivières dont parlent ses écrivains préférés. Elle les relit comme on met une carte dans ses bagages, nous en offre des citations. Au printemps, elle ira voir la Furieuse, un affluent de la Loue, dans le Jura, au pays de Courbet. Ce départ différé entraîne vers sa fin ce récit déroulé de méandre en méandre, entre présent et passé. La Furieuse tient ses promesses d’allégresse et de fraîcheur, de la source au confluent. L’auteure redécouvre le plaisir d’apprivoiser seule un lieu inconnu, sans que se dissipe sa mélancolie. Au regret des disparus se mêle, comme une eau sombre, le sentiment de voir le monde s’abîmer. Ce sentiment nous la rend plus proche que sa grande érudition littéraire.