FRANCE CULTURE, Caroline Broué, samedi 2 mars 2019


« Les Matins du samedi : L’invité culture »

« Serge Mestre : « J’ai voulu rendre à Gerda Taro sa dimension de combattante antifasciste, amoureuse et féministe. »

« C’était une photographe, ce fut une oubliée de l’Histoire, c’est devenue une icône. » Voilà ce qu’écrit aujourd’hui le critique Olivier Mony à propos de Gerda Taro, née en 1910 et morte tragiquement 27 ans plus tard en Espagne, et qui fut l’une des premières femmes reporters de guerre.

Après avoir écrit sur le poète Federico Garcia Lorca dans Ainadamar, La fontaine aux larmes, Serge Mestre poursuit son exploration romanesque de la jeunesse exaltée fauchée par l’Espagne franquiste avec Regarder, un roman qui restitue à la photographe Gerda Taro toute sa singularité. Gerda Taro, née en Allemagne en 1910 et réfugiée à Paris, fut la compagne du photographe Robert Capa.

Une fois en France, Gerda Taro a très vite compris qu’il se passait quelque chose de très important en Espagne, ce qui sera le prélude de la Seconde Guerre mondiale. En jeune combattante antifasciste, elle avait pour ambition de photographier la victoire des Républicains, une victoire qu’elle ne vit jamais. Elle est morte écrasée par un char à Madrid en 1937. Elle avait 27 ans. Une vie follement romanesque pour une étoile filante qui voulait vivre à toute allure. »

Extraits de l’entretien : 
« Caroline Broué – Est-ce que vous êtes d’accord avec cette phrase d’Olivier Mony : « c’était une photographe, ce fut une oubliée de l’Histoire, c’est devenue une icône » ?

Serge Mestre – […] Oui, c’est devenu une icône parce que, d’abord elle est morte très jeune, et que c’est la première photographe morte dans l’exercice de ses fonctions. […] Je veux insister sur le côté féministe de Gerda Taro ; elle n’est pas que photographe. […] Elle va affronter, en tant que féministe, son amoureux, Robert Capa. […] Elle refuse l’objectivité dans la photo, ce qui me semble complètement fou […] : elle veut photographier en Espagne une victoire des Républicains qu’elle n’arrivera jamais à photographier. […] Ce qui m’a semblé important dans ce texte à propos de Gerda Taro c’était de ne pas avoir quelque chose de factuel ou de descriptif. J’ai essayé d’écrire comme aurait parlé Gerda Taro. Je crois que c’est le travail de l’écrivain de se mettre à la place de ses personnages et de les rendre les plus crédibles possible. »

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