FRANCE CULTURE, « L’Entretien littéraire », Mathias Enard, samedi 2 mars 2024


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En vérité, Alice est un roman tourbillonnant qui nous emporte avec Alice dans les affres et les aléas du contemporain tout en réussissant à nous passionner pour certains aspects tout à fait originaux du passé. Comme si les histoires des êtres éminents d’autrefois venaient percuter notre actualité.

Mécanique d’emprise versus aspiration à la lumière
Le personnage d’Alice, vit sous l’emprise de son compagnon dans un aveuglement qui la laisse isolée du monde. Elle débute sa mission au bureau de la cause des Saints et participe à la procédure pour instruire les candidatures à la canonisation. Tiffany Tavernier relate : « Alice, au départ, elle y croit effectivement à ce miracle de sauver l’autre ; je l’oppose à la sainteté puisque c’est la même carte absolue d’amour, mais qui va bifurquer à un endroit où Alice, elle, se plante. »
L’autrice décrit ce personnage d’Alice divisée en elle-même ainsi que le pouvoir que l’emprise fait perdre au corps. Tiffany Tavernier prolonge cette interrogation sur le rapport à la Lumière : « je voulais dans l’écriture voir comment la lumière travaille un personnage, même au bout du rouleau. »
Et dans ce bureau où travaille Alice, derrière ces dossiers, ce sont des figures d’hommes et de femmes hors du commun, dont les parcours de vie sont en cours d’instruction pour être éventuellement déclarés Vénérable, Bienheureux ou Saint ; Tiffany Tavernier poursuit son exploration : « ce sont des amoureux fous qui ont une sorte de révélation à l’endroit de la Lumière ; ils dérangent l’Eglise, mais vont s’imposer par le peuple.»