LA CASE DES PINS, jeudi 5 mai 2022


Un matin, suite à une longue période d’enfermement, un homme sort de son appartement et se livre à la rue. Plus de clés, ni aucun murs. Commence alors une errance dans les rues parisiennes, un quotidien fait de pas grand chose si ce n’est l’observation de l’agitation urbaine et les petits rendez- vous à heures fixes avec quelques inconnues dont il imagine la vie, à leur insu. Son nouveau statut de SDF confère à l’homme la liberté et l’anonymat auxquels il aspire. Chez lui prédomine cette envie de disparaître, la volonté d’anéantir ses angoisses, de vaincre ses fantômes.

Dima Abdallah confirme par ce second roman un talent littéraire remarquable, forgé par la délicatesse de ses mots, la poésie et la sensibilité qui illumine chacune de ses pages. Bleu nuit, c’est la couleur de ce qui déferle par vagues sur cet étrange personnage en proie à une anxiété dévorante. Ce qu’il fuit est multiple. Un être condamné au cauchemar, portant sur ses épaules le poids du souvenir et des regrets. À force de rituels et de tocs, de déambulations erratiques, il avoue toute l’ampleur de son impuissance face à ce qui le dévore de l’intérieur.

Pour autant, le roman possède sa part de lumière, douce et captivante. Les personnages que côtoie cet homme seul, à la fois de loin mais avec une tendre proximité, esquissent des portraits attachants auxquels il se raccroche. Sa relation avec la chienne nommée Minuit, comparse d’infortune, apporte également beaucoup d’émotion au récit. L’histoire prend la forme d’un monologue ponctué des notes que le protagoniste appose sur son carnet au gré des saisons. Équilibré, juste et profondément humain, Bleu nuit est une petite perle qui tutoie l’intime. On chemine aux côtés de ce funambule sur un fil tendu vers l’inexorable et dont la chute, surprenante car parfaitement orchestrée, touche au cœur.