LA PROVENCE, Jean-Rémi Barland, dimanche 19 septembre 2021


« L’une des forces de ce roman, car c’en est un, admirable dans sa construction kaléidoscopique, est de ne pas perdre le lecteur en renseignements annexes concernant la vie des intervenants. On ne saura pas vraiment pourquoi Nancy a quitté l’homme qu’elle choyait, ni les parcours passés des uns et des autres. La puissance des voix nous touche, nous foudroie souvent, et on s’aperçoit qu’elles sont distinctes, identifiables une à une et néanmoins complémentaires. Un tour de force narratif en fait, qui permet au récit de ne pas apparaître monolithique et qui surtout démontre que, même si on se bat pour la plénitude d’un individu, rien n’est possible sans sa participation active à sa rédemption. Ce que la misère fait de nous, ce que le racisme déclenche dans une vie, et surtout aux États-Unis, pays inapte à dépasser ses clivages, où persiste le souvenir de siècles d’esclavage, le poids du fatum et déterminisme : autant de thèmes à la Steinbeck, Styron ou Toni Morrison, voire Pat Conroy, qui sont ici présentés sans pathos, sans prêchi-prêcha, sans vulgarité ni clichés, et ce dans l’ombre tutélaire de René Depestre ou de James Baldwin. Et c’est encore plus beau à la deuxième lecture. Vous avez dit chef-d’œuvre ? »