- Livre : Cash
- Auteur : Eka KURNIAWAN
- Revue de presse
LA VIE, Hors-série « Les peuples en cartes »
Hors-série « Les peuples en cartes » : six personnalités nous donnent leur définition du mot « peuple »
Écrivain, juriste, réalisateur, musicien, … des personnalités venues de tous les coins du monde évoquent leur vision intime et personnelle de ce qui définit un peuple.
Par Marc-Olivier Bherer, Corinne Chabaud, Anne Guion, Catherine Saliceti
Publié le 24/02/2022
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Eka Kurniawan, écrivain
Une des complexités de mon pays c’est qu’il n’y a pas une seule culture, un seul peuple indonésien. Il en existe une multitude. Comme notre territoire est très vaste, composé de milliers d’îles, il est difficile de trouver des caractéristiques communes. Les ethnies sont tellement nombreuses que rien que sur l’île de Java, on n’en compte pas moins de cinq.
Nous avons évidemment une langue commune : l’indonésien (une des formes du malais). Ce qui est une chance que nos voisins indiens n’ont pas. Mais les vraies langues d’usage sont les quelque 500 langues locales. Cette situation assez unique de par le monde fait l’originalité des Indonésiens, mais c’est aussi ce qui les rend, pour un regard étranger, plutôt incompréhensibles. Cette cohabitation des peuples s’exprime également dans la culture populaire.
Pour donner un exemple simple, dans un même film il peut y avoir à la fois des références à l’islam et à l’hindouisme. Malgré la volonté de certains d’unifier et de « purifier » la pratique religieuse, des rituels provenant de temps très anciens se perpétuent, y compris parmi les populations musulmanes, majoritaires. Les religions se côtoient au même titre que les langues. Il existe aussi, au sein de l’archipel, des ethnies qui vivent hors de la société ; les citer toutes serait impossible.
Par exemple, à une heure de Jakarta sont établis les Baduys. Ils sont protégés par le gouvernement et vivent en bonne intelligence avec le reste de la population, mais selon des coutumes radicalement différentes. On ne peut pas pénétrer sur leur territoire sans leur autorisation, ils ont leurs propres écoles, et vivent à rebours du monde moderne. Toutes ces richesses me rendent fier d’être indonésien et alimentent mes romans.
Né en 1975 à Tasikmalaya (Indonésie) Eka Kurniawan a grandi au sein d’une famille modeste dans l’ouest de Java. La France le découvre en 2015 avec son roman L’Homme-Tigre (Sabine Wespieser), puis en 2017 avec Les Belles de Halimunda (Sabine Wespieser), des récits bercés par les mythes et les légendes indonésiens. Lauréat en 2018 du prix Prince Claus, il est considéré comme l’un des plus grands écrivains de son pays. Dernier livre paru : Cash (Sabine Wespieser, 2019).