LE NOUVEAU MAGAZINE LITTÉRAIRE, Pierre-Édouard Peillon, décembre 2018


« L’ascète débauché »

« Le compositeur Anton Bruckner devient une figure fascinante sous la plume de l’écrivain.

[…] En adossant la vie à la mort, La Vigne écarlate reproduit les hantises et les ambitions de son personnage. À la fois bigger than life, comme les Américains diraient de cet homme plein d’embonpoint dans ses manières rustres et au physique imposant et austère, le Bruckner dépeint ici peut tour à tour se plaire à engloutir des litres de bière dans des tavernes où résonnent des chansons populaires, ou tourner le dos à la jouissance en restant vierge toute sa vie. Cohabitent chez lui, le sec et le gras, l’ascèse et l’hédonisme, une exigence de raffinement et un esprit tapageur. Comme lorsque Bruckner affirme devant ses étudiants « la synthèse de l’ordre et du sauvage ». Symptomatique de ces tiraillements : l’anecdote, authentique, du musicien debout dans le Danube, en train d’essayer de vider le fleuve à la louche. Combat perdu d’avance qui en dit long sur ses œuvres, éclairées par l’écriture de Vincent Borel, semblant relever indistinctement de la retenue et du débordement. »