LE NOUVEAU MAGAZINE LITTÉRAIRE, Stéphane Desmichelle, mercredi 21 mars 2018


« À la recherche du tempo perdu »

« En pleine guerre d’Indochine, à Diên Biên Phu, Alexandre, 20 ans, frôle la mort, atteint d’une balle dans le ventre. C’est par conformisme mais aussi pour fuir sa vie – ou plutôt la trouver –, que le garçon s’est engagé dans la guerre quelques semaines après ses noces. Trop jeune pour se résigner, “trop jeune pour mourir vieux”. Et c’est justement dans l’horreur de ce conflit glaçant, sanglant, qu’il découvre le sens de la vie : l’amour avec Maï Lan, une vietnamienne, et l’amitié, avec Alassane Diop, le Sénégalais qui lui a sauvé la vie. “La guerre fut une école pour moi, de vies et de vérités multiples, l’épreuve du feu et de la mort. L’apprentissage de l’amour et du monde. La rencontre avec moi-même”, raconte-t-il.
Vingt ans après, il décide de retourner au Vietnam, espérant renaître là où sa vie s’est interrompue. Et part alors à la recherche de celle à laquelle il n’a jamais cessé de penser et d’écrire, cette “fille à soldat” qu’il a toujours aimé, quittant femme et enfants “pour fuir la morne norme d’un mariage arrangé”. A la poursuite de lui-même, au vieil hôtel Le Normandie. Dans une danse verbale au tempo irréprochable, entre les vers et la prose, entre le passé et le présent, entre la vie et la mort surtout, l’on assiste avec ce roman à une crise de la quarantaine poétique. Dans un style épuré, Marc Alexandre Oho Bambe, le poète slameur bercé dès son plus jeune âge par Aimé Césaire et René Char, décrit avec beaucoup de justesse cette recherche de soi-même, à un âge où il faut choisir entre l’aventure ou l’habitude. Résonne les paroles de son ami Diop, un soir qu’ils ne dormaient pas : “je veille sur ce qui me reste d’innocence et de foi, de romantisme et d’idéaux”. Et dans cette quête de vérité, c’est l’inattendu qui vaincra. »