LE SOIR, Pierre Maury, samedi 3 et dimanche 4 mars 2018


« Retour à Diên Biên Phù »
« Alexandre est mort en Indochine. “Avant de renaître, puis mourir encore.” Il y a eu la guerre, Diên Biên Phù et surtout Maï Lan, la femme au visage lune dont le nom signifie “pierre d’abricot et d’orchidée”. Le 7 mai 1954, à Diên Biên Phù, la guerre est perdue, ce qu’il reste de l’armée française n’attend plus, pour plier bagage, que les accords qui mettront fin à sa présence en Indochine. Tandis que, pour Alexandre, c’est le déchirement de la séparation. Maï Lan s’éloigne. Mais reste inscrite dans sa chair et son esprit autant que les blessures physiques, morales des combats.
Alexandre est donc rentré en France, a retrouvé Mireille, sa très croyante épouse, à qui la foi en Dieu a permis d’accepter les aveux de celui qui expliquait être devenu fou amoureux, au loin. Le couple a repris la vie commune, puisque “Mireille disait pouvoir supporter une vie à deux, même sans saveur et sans passion.” Vingt ans se sont écoulés d’une existence tiède au cours de laquelle Alexandre n’a cessé d’apprécier les qualités de Mireille. Au cours de laquelle, aussi, il n’a cessé de penser à Maï Lan. Si bien qu’après tout ce temps, il a décidé de retourner là où il était mort et avait vécu si puissamment. Pour rechercher la femme qu’il n’avait jamais oubliée et à laquelle, comme lorsqu’ils partageaient leur passion, il n’a cessé d’écrire des poèmes.
Ces poèmes parsèment le premier roman de Marc Alexandre Oho Bambe, Diên Biên Phù. Ils disent les années pendant lesquelles l’absente est restée si vivante : “Pendant vingt ans/ J’ai vécu ainsi/ En avançant/ À reculons/ Vers toi Maï.
Diên Biên Phù raconte, avec des sauts dans le passé et les moments enflammés d’un amour toujours ranimé par les mots et les souvenirs, le retour d’Alexandre. Il ne l’a pas dit en partant, il ne l’avouera que dans une lettre envoyée à Mireille de Hanoï : il ne reviendra plus en France, leur couple est défait, il a besoin de terminer ce qu’il avait commencé et que l’Histoire a interrompu.
Encore faut-il retrouver Maï Lan, et la tâche s’avère difficile. Malgré l’aide d’une autre femme qui se prend d’affection pour cette belle histoire, malgré M. Cho, le restaurateur bienveillant qui pense avoir connu Maï Lan, sa présence semble se dissoudre dans un espace flou.
La quête d’Alexandre se termine d’une manière que nous ne révélerons pas, par une surprise. Mais on ne peut terminer un article sur Diên Biên Phù sans dire un mot de l’ami Diop, le Sénégalais qui a sauvé la vie d’Alexandre et est devenu pour lui un frère. Qui l’initie, en outre, aux idées de décolonisation en même temps qu’à la production littéraire du groupe d’écrivains formé autour de Présence africaine. »