LE TÉLÉGRAMME, Thierry Dussard, dimanche 29 juin


« Françoise Huguier. Photographe sans frontières. »

« Cette très grande photographe, qui cadre en privilégiant les premiers plans, se montre à l’aise sur tous les terrains. En noir et blanc, ou en couleur, du Sahel à la Sibérie, elle expose à la Maison européenne de la photographie, à Paris, et publie un livre formidable comme un autoportrait.
Souvent, les photographes ne savent s’exprimer par écrit qu’en proférant des clichés. Rares sont les Erwin Blumenfeld capables de rédiger un récit ayant le même mordant que leurs photos. Françoise Huguier réussit pourtant dans Au doigt et à l’œil un grand reportage digne d’Albert Londres, sans le secours des images. Tout y est, le regard, bien sûr mais aussi les sons et les odeurs, la phrase courte et le style. Elle se documente avant de partir, écrit et collecte sur place mille détails dans un carnet de voyage, qui vont décanter avant de passer au four d’une mise en forme plus construite. Avec Michel Cressole, Serge Daney, Annette Lévy-Willard et Gérard Lefort, tous journalistes à Libération, j’ai été à bonne école. Je suis d’une génération curieuse et tout m’étonne. Tu es trop curieuse, me disait ma mère. Mais je suis tout simplement sensible aux bruits du monde. […]
Jamais rassasiée de rencontres et d’émotions. Comme si photographier le goulag, les cimetières inuit et déshabiller Vladimir pour enrichir sa collection de tatouages, puis traverser une aurore boréale dans le cockpit vitré d’un Antonov, ne suffisait pas. »