LE TEMPS, Eléonore Sulser, samedi 17 juin 2023


La grève des « ovalistes »mise en lumière par Maryline Desbiolles 

La romancière niçoise à l’écriture ardente imagine les ouvrières des soieries lyonnaises qui se mobilisent massivement en 1869 à Lyon, en athlètes du quatre fois 100 mètres

Tout commence par les corps. Des corps de femmes, des corps en mouvement, rapides, jeunes ; des corps solidaires qui se passent un témoin autour d’un stade ovale. Témoin s’entend ici au double sens du terme. Car si les personnages se passent un relais, dans Il n’y aura pas de sang versé le dernier roman-récit de Maryline Desbiolles –, il est aussi et surtout question de témoigner d’un événement historique en remontant le cours du temps jusqu’à l’été 1869.

      Dans ses livres, la romancière niçoise utilise le langage pour redéployer à sa façon, suivant ses propres voies vagabondes, le temps et l’espace. Dans ce texte-ci, les trajectoires de ses « relayeuses » convergent vers une grève, celle des « ovalistes », ces femmes, ouvrières à Lyon, qui façonnaient du fil de soie à l’aide d’un moulin ovale. Venues d’horizons divers – campagnes de France, Italie voisine –, les héroïnes de Maryline Desbiolles finiront par faire corps pour améliorer leur condition.

      Toia (Vittoria, Victoire) la Piémontaise, Rosalie Plantavin la boiteuse, Marie Maurier la Savoyarde, Clémence Blanc aux cheveux si blonds qu’ils sont presque blancs ; quatre femmes, quatre ovalistes se passent le relais dans ce récit de Maryline Desbiolles. Elles courent dans les couloirs de cette histoire, d’un chapitre à l’autre. Mais la troupe qu’elles entraînent à leur suite est bien plus vaste : voici Antoinette, Suzette, Madeleine, Amélie, Thérèse, Philomène, Sophie, Victorine. Blanche, Catherine, Colombe, Félicie, Julie, Céline ou Adèle. Autant de trajectoires particulières qui se rejoignent en un point de résistance : la cessation de travail et la revendication durant les moi de juin et juillet 1869 d’un meilleur salaire, de conditions de travail et d’hébergement moins misérables.

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