L’ORIENT-LE JOUR, Joséphine Hobeika, mardi 11 janvier 2022


Dima Abdallah, sur une corde tendue entre la France et le Liban

Quelques jours après la parution de son second opus, « Bleu nuit » (Sabine Wespieser éditeur), la jeune romancière partage son expérience de l’écriture, son empathie pour ses personnages et différentes portes d’entrée pour s’introduire dans un tissage narratif complexe.

Comment vous sentez-vous alors que votre roman entame sa rencontre avec ses lecteurs ?

Pendant que j’écris, je suis dans une espèce de petite transe, où je ne pense pas tellement le livre, les lecteurs, la pression, et je mets beaucoup de distance – je crois que c’est vraiment la définition de la littérature – entre mes personnages et moi. Une fois que l’écriture est achevée, j’ai une période qui est difficile, et je suis contente qu’elle prenne fin, que ce livre ne soit plus mien. Mais il y a un effet boomerang à chaque fois : les émotions que j’ai mises à distance pendant l’écriture viennent toquer à la porte dès que j’ai achevé le roman. Quelle que soit la fiction, l’auteur met beaucoup de lui-même dans ses personnages, même s’ils nous surprennent aussi ; et nous sommes surpris par nous-mêmes, par tout ce que nous avons de nous, nos émotions, nos violences, nos obscurités…

De quelle manière votre personnage s’est-il invité dans votre récit ?

Mes personnages me viennent sans que je les pense, comme la mémoire libanaise, qui s’est introduite dans le récit spontanément. Des personnages m’habitent et, en général, je commence à écrire les premiers chapitres mentalement avant de me mettre au travail, ce ne sont pas des idées qui me viennent avant d’écrire, mais des phrases, c’est déjà mis en forme. Je n’ai pas pensé un sans-domicile, il s’est imposé à moi avec sa voix.

Pour ce qui est du thème, j’ai toujours été profondément émue par les hommes et les femmes qui vivent dans la rue, je ne peux pas passer à côté d’eux sans penser à ce qu’ils ont été avant, je vois des personnes avec une histoire, des valeurs, une profondeur, même si ce roman, en réalité, ne raconte pas la rue.

Dans mon texte, je parle des « invisibles », mais ils ne le sont pas pour moi. Il est certain que cette empathie que j’ai pour eux a nourri ce roman. […]

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