MADAME FIGARO, Colombe Schneck, vendredi 21 octobre 2022


Je n’aime pas les films violents, quand les scènes difficiles arrivent, je mets les deux mains sur les yeux. Je suis tétanisée. Mais, bizarrement, les livres violents ne m’angoissent pas, ils m’attristent et me mettent en colère. Mais ce n’est pas un sentiment que j’écarte. La colère, j’y vais. Presque avec joie, j’ai envie de taper les indignes. Jeanne, la narratrice du roman de Sarah Jollien-Fardel, raconte la brutalité d’un père de famille, d’un époux, et elle y va directement, pas d’effets, de périphrases, de pathos. Elle commence comme ça : « Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d’avant, je le juge, on mangeait des pommes de terre. » Sa préférée est un premier roman, et parfois les auteurs veulent démontrer combien ils ont du vocabulaire, du style, de grandes pensées, surtout dans la première phrase. Elle n’en a pas besoin, elle écrit avec évidence, son récit n’a pas besoin de joliesse.

Enfant, elle avait la « trouille collée au corps en permanence », elle voyait « la faiblesse de ma mère, la stupidité et la cruauté de mon père ». Jeanne raconte comment elle s’est levée, en ébullition, furieuse de la méchanceté stupide de son père, en rage contre ceux qui ne voulaient pas voir, entendre la réalité, le père bat sa femme et ses enfants. Oui, j’ai aimé cette colère, j’étais contente que la narratrice galope au loin, s’échappe, crache sur le visage de son père qui va mourir, elle ne lui pardonne pas. Elle n’est pas douce, elle est pourtant aimante. Le roman est traversé par des histoires d’amour, des bains dans le lac Léman, la beauté des paysages du Valais, en Suisse, où se déroule cette terrible histoire. Je l’imaginais tel un cow-boy (ou une cow-girl) à cheval, son fouet à la main, vengeant son peuple, sa mère, sa sœur. À la fin, cela se termine bien.