PSYCHOLOGIES MAGAZINE, Christine Sallès, janvier 2014 et PSYCHOLOGIES .COM, lundi 23 décembre 2013
« Le coup de cœur : Les Collines d’eucalyptus de Duong Thu Huong »
« Qu’avons-nous fait à nos enfants ? Cette question, récurrente dans l’oeuvre de la romancière vietnamienne, accompagne ce dernier volet de son diptyque (après Sanctuaire du cœur). Elle y reprend le personnage de Thanh, jeune homme auquel elle prête ici un deuxième destin. Dans le premier opus, elle le campait en fils fugueur devenant gigolo. Cette fois, emprisonné pour un crime que nous découvrirons tardivement, il est soumis à une promiscuité et une violence insoutenables. Enfermé, il se remémore l’engrenage qui l’a conduit à commettre l’irréparable. À travers le drame du jeune homme, Duong Thu Huong construit une fresque du Viêt Nam contemporain aux prises avec ses drames, ses guerres, ses violences, sa pauvreté, mais raconte aussi l’amour, les rencontres et, au centre, une vie emportée par le maelström de l’histoire. Portraits d’intellectuels, de paysans, de membres du Parti, de prisonniers de droit commun… L’auteure construit la vie de chacun comme autant de petits romans imbriqués les uns dans les autres. Certains protagonistes croiseront la route de Thanh, homosexuel tombé amoureux du mauvais gars ; d’autres ne seront qu’évocations légères. Mais quelle puissance de création ! Duong Thu Huong ajuste ses personnages pour en faire les facettes d’une vaste réalité, sans jamais en lâcher un seul. Tous sont indispensables, cellules indissociables d’un même organisme. Qu’un seul disparaisse, et l’ensemble en serait boiteux. Impossible de ne pas évoquer la grande tradition du roman tolstoïen et sa force démiurgique : souffle historique, embrassement des destinées, humanité profonde… Rien n’est réel, mais tout est vrai. »