Coup de cœur de la librairie LA COUR DES GRANDS (Metz) – Initiales magazine


« Qui connaît le grand-duché d’Éponne ? Ni vous, ni moi, mais il rappelle furieusement nos petits paradis fiscaux européens. Bien lové dans ses montagnes et ses traditions, le grand-duché respire la prospérité. Mais si les premières pages du roman plantent un décor (presque) d’opérette, la suite du récit ne laisse aucun doute, nous sommes bien dans le monde d’aujourd’hui ! Sous l’apparente cordialité des lieux se cachent tous les maux de notre société : repli sur soi, peur du déclassement et haine de l’étranger.
C’est ici, dans les salons feutrés des banques ou dans la discrétion de restaurants cossus, que se joue souvent l’avenir d’une usine lointaine ou d’un salarié pas assez malléable. Les migrants sont soumis aux caprices d’une administration tatillonne, leur force de travail est exploitée, leurs économies siphonnées par les vendeurs de sommeil. Le malheur même de leur existence peut être l’objet d’un coup médiatique mercantile. Et pour les autres, ceux qui ont la chance d’être ici et d’avoir réussi ? C’est l’angoisse de ne pas être assez performant et d’être mis au placard ; c’est la tentation de faire peser ses rêves de réussite (mais laquelle ?) sur la génération suivante… Bref, c’est bien un système sournois que dénonce Diane Meur, quand l’individu renonce par commodité à réfléchir et que, de maltraité, il devient maltraitant.
Pourtant, ici comme ailleurs, vivre est avant tout une affaire de choix. C’est ce que proclame haut et fort un groupe d’amis bien décidé à donner un coup de pied dans la fourmilière. Tout ce petit monde se retrouve à intervalles réguliers pour rédiger un pamphlet intitulé Remonter le courant, critique de la déraison capitaliste. Et c’est bien là le cœur battant du récit, celui qui porte l’espoir vaille que vaille qu' »un autre monde est possible », celui de l’amitié, de l’attention bienveillante, du service rendu sans arrière-pensée. Jamais désespérant, Sous le ciel des hommes se referme sur une promesse qui sera peut-être tenue : choisir et ne plus subir. » • Éloïse Bernard