SUD OUEST, Alexandre Fillon, dimanche 14 janvier 2024


François Jonquet, autoportrait de l’artiste en jeune chien fougueux

L’écrivain raconte son éveil à l’art contemporain et sa rencontre avec des artistes marquants tel Christian Boltanski. 

Le narrateur de l’étonnant nouveau livre de François Jonquet est fils unique. Son notaire de père est mort quand il avait 16 ans. En pleine dérive émotionnelle, à la bibliothèque de Châlons-sur-Marne, il tombe sur un exemplaire de la revue « Art Press ». Et plonge alors dans le grand bain bouillonnant de l’art contemporain.

Après avoir lâché ses études de droit et s’être installé à Paris, il décide d’entrer à l’école des Beaux-Arts. Au sein de l’atelier Boltanski, le jeune homme bénéficie de la personnalité d’un professeur hors du commun, dont le prénom entier est « Christophe Liberté ». Comment ne pas être marqué par un créateur, fumeur de pipe, à la sincérité désarmante et à la libre parole ? Quelqu’un affirmant avoir eu deux pères nommés Andy Warhol et Joseph Beuys. Qu’il faut « brûler pour briller », que devenir artiste « rend méchant ». Qu’en art, « il n’y a rien à apprendre ».

Un œil et un style
Dans le même bâtiment avec vue sur Seine, imaginez qu’Annette Messager « professe aussi » ! Boltanski et cette « grande beauté sombre brune » forment « le couple le plus en vue genre les Frida Kahlo et Diego Rivera d’aujourd’hui, dit-on ». Si Boltanski peut parfois se révéler cassant, Annette Messager, elle, n’est qu’en creux et en silence.

Celui qui sera fugacement l’assistant de la photographe Nan Goldin attrape tout ce qu’il peut dans ses filets. Ici et maintenant. En se demandant comment répondre à une question posée par Christian Boltanski : « Où s’arrête l’art et où commence la vie ? »

Auteur, entre autres livres, d’une conversation de haute volée avec les artistes visionnaires Gilbert & George, d’un portrait singulier de l’acteur Daniel Emilfork, François Jonquet frappe à chaque fois par son œil et son style. Une prose crépitante porte les pages de De plomb et d’or. La musique qui s’y fait entendre est rare. Il est plus que recommandé de l’écouter.