TÉLÉRAMA, Michel Abescat, mercredi 17 février 2016


« Au commencement, il y a un destin fabuleux, une légende familiale, tout à la fois au centre et à distance. Joseph est l’absent dont le portrait en médaillon trône dans un cadre au-dessus de l’escalier. Cet ancêtre mythique, écrasant, insaisissable, est l’arrière-grand-père de l’auteure, qui ne l’a pas rencontré. Sa mémoire, il est vrai, est vertigineuse. […]
Kéthévane Davrichewy, qui a déjà écrit sur ses origines géorgiennes, côté maternel, se lance sur l’autre versant, infiniment plus difficile, car ici les pères sont souvent fuyants, la famille est désunie, la mémoire en grande partie perdue. L’auteur a enquêté, interrogé des témoins souvent de seconde main et finalement décidé d’imaginer la vie de son aïeul. Le résultat est saisissant, la distance, parfaite, la langue, au diapason du regard, d’une magnifique simplicité. Joseph est le héros d’une histoire qui nous file entre les doigts. Une belle histoire en apparence, fascinante et tumultueuse, infiniment douloureuse en réalité, celle de fils en perpétuelle recherche de reconnaissance paternelle. Derrière l’épopée, c’est l’envers intime que traque Kéthévane Davrichewy et qui la conduit, in fine, à entamer enfin le deuil de son propre père, auquel elle a dédié ce roman, peut-être le plus beau qu’elle ait écrit : Il y avait en lui une part d’ombre. Derrière ses silences et sa réserve, une inquiétude sourde. L’héritage de Joseph. »