UNTITLED MAGAZINE, Mathilde Ciulla, mercredi 3 novembre 2021


« Bien davantage que le portrait d’un homme, Milwaukee Blues a une portée politique : il représente l’injustice des violences policières à l’encontre des Noirs, qui font des dizaines de morts chaque année. “Je ne peux plus respirer.” C’est autant l’asphyxie de George Floyd dont la mort en mai 2020 avait débouché sur des manifestations massives aux États-Unis, que celle de toutes celles et ceux qui ont pris la rue. Tout comme les personnages du roman de Louis-Philippe Dalembert qui ont l’idée de préparer une manifestation, de la penser à la mémoire de leur ami Emmett mais aussi comme un signal d’alarme envoyés aux autorités d’un ras-le-bol.

“Plus les heures passaient, plus Ma Robinson en était convaincue. Elle rêvait d’une manifestation d’envergure qui marquerait les esprits. Cela faisait trois jours déjà que le fils de Mary Louise avait rendu l’âme sous le genou d’un malfaisant du flic. Asphyxié, comme on trucide un goret, sous l’œil impassible de ses acolytes, plus occupés à tenir la colère latente des badauds à distance.” La force du roman de l’auteur de Mur Méditerranée est dans cette double identité : du destin d’un homme, à la vie arrachée brusquement et que l’auteur nous raconte avec beaucoup de délicatesse et de détails, à l’aspect politique que sa mort représente pour tout un pays encore divisé par le racisme. Du particulier au général, l’individu devient politique sous la plume de Louis-Philippe Dalembert, et le récit redonne à l’humanité sa place de choix, au centre. De la proximité manifeste avec l’histoire de George Floyd, à côté de laquelle on ne peut pas passer, et à travers le passage par la fiction, Louis-Philippe Dalembert redonne un visage à ces hommes et des ces femmes tués par leurs concitoyens censés assurer leur protection.

Avec son roman, Louis-Philippe Dalembert donne la parole à celles et ceux qu’on ne considère pas et qu’on tue dans les rues en toute impunité. »