- Livre : Les Plages du silence
- Auteur : Serge MESTRE
- Site de la librairie
- Revue de presse
WWW.LACAUSELITTERAIRE.FR, Stéphane Bret, samedi 18 mai 2013
« La douleur est-elle un moteur essentiel de la mémoire ? La première contribue, d’une manière décisive, à asseoir la seconde dans les consciences des individus. C’est à cette démonstration que nous convie Serge Mestre dans son roman intitulé Les Plages du silence, roman écrit en 1991, et réécrit récemment chez un autre éditeur, Sabine Wespieser. Le récit, articulé autour de quatre lieux essentiels – Argelès-sur-Mer, Paris, Barcelone, Porto Christo –, est centré sur le personnage de Manu, militant trotskyste du POUM, réfugié, comme beaucoup de ses camarades de combat, en France en 1939. Son fils, qui porte le même prénom, part à la recherche du passé de son père, il creuse dans le sable, par exemple celui de la plage d’Argelès. On apprend, ou on nous rappelle – c’est selon – que ce lieu de villégiature a servi de camp d’internement pour les réfugiés : On devait affronter les baraques insalubres, l’allée principale du camp. La rigueur de février gerçait la peau, crevassait la poitrine, creusait la terre. On avait profondément froid au cœur. On savait qu’on ne retournerait jamais en Espagne.
L’auteur montre, tout au long du récit, comment ces événements ont forgé les consciences des combattants ; il illustre à merveille le lien direct établi entre le vécu et la conviction : Le camp abritait toujours cette guerre du ventre en quoi se transforme toujours la guerre des vaincus. Pour l’instant, il abritait surtout la naissance d’un paysage neuf […] Voilà comment un territoire devient une toute fraîche conscience.
L’un des mérites de Serge Mestre est de décomposer avec précision les mécanismes de la mémoire, fût-elle celle d’un événement historique aussi décisif que la guerre civile d’Espagne ; ainsi fait-il énoncer à l’un des personnages : la mémoire, c’est la répétition interprétée.
C’est aussi évoquer les sujets qui fâchent à propos de ce conflit, les dissensions et affrontements entre anarchistes, trotskystes, communistes. Par la suite, on a écrit que nous avions reçu des armes en bon état en provenance d’URSS. On n’a pas dit que les communistes espagnols les contrôlaient, ils ne les ont jamais distribuées aux gars de la CNT, encore moins à ceux du POUM.
Par sa construction, son style, la pluralité de l’évocation des lieux (quatre points cardinaux ?), ce roman s’inscrit dans une tendance fructueuse, du point de vue littéraire : la liaison des souvenirs, de la mémoire personnelle à l’histoire avec un grand H. À découvrir sans tarder. »