- Livre : La Carte des Mendelssohn
- Auteur : Diane MEUR
- Revue de presse
WWW.ONLALU.COM, Aline Sirba, août 2015
« Quelle famille ! »
« Dans la famille Mendelssohn, Diane Meur avait Moses, le grand-père juif philosophe allemand des Lumières, elle avait Felix, le petit-fils compositeur romantique, elle souhaitait donc écrire sur le chaînon manquant, fils du premier et père du second, Abraham Mendelssohn, banquier de son état. Mais quand elle a commencé à tirer les fils de la pelote mendelssohnienne, Diane Meur a vite compris qu’elle ne pouvait pas parler d’Abraham sans évoquer ses parents, ni ses quatre enfants, ni ses frères et sœurs, et qu’il fallait replacer tout ce petit monde dans son contexte spatio-temporel, parce que ceci expliquait cela, parce que les déterminismes familiaux, parce que le judaïsme, le luthéranisme, parce que, parce que… Et voici notre auteure, deux ans plus tard, des centaines de notes accumulées, un gigantesque « monstre » généalogique bricolé dans son salon qui recense une famille de 765 membres, morts et vivants ! Tout cela peut sembler effrayant : partie d’un protagoniste, elle se retrouve avec des centaines de personnages qui cognent à sa porte, envahissent ses nuits, revendiquent le droit de cité dans son roman et continuent de naître tous les jours ou presque aux quatre coins du monde ! Mais dans quel pétrin était-elle donc allée se fourrer, au risque de perdre son lecteur en route ?
Et pourtant, ce livre est passionnant de bout en bout ! D’abord parce La Carte des Mendelssohn n’est pas une suite fastidieuse de noms et de dates, mais l’histoire d’hommes et de femmes qui s’aiment, se détestent, coupent les ponts, se retrouvent, s’en vont parfois au bout du monde… bref, la vie ! Et surtout parce que la romancière délaisse la chronologie, préférant les brèches biographiques, ouvrant les tiroirs du secrétaire familial pour habiller de son imagination quelques élus, comme Fanny, musicienne talentueuse demeurée dans l’ombre de son frère, ou encore Arnold, véritable héros de roman d’aventures à la Dumas. Mais le plus étonnant, c’est que Diane Meur elle-même est entraînée dans ce tourbillon, devenant l’héroïne de son propre roman, obsessionnelle, tenace, parfois découragée mais toujours sauvée par son « humour-propre ». C’est ainsi qu’un roman jumeau s’écrit à mesure que progresse la lecture, et l’on est autant happé par les personnages ressuscités que captivé par l’enquête de notre Ariane, ses trouvailles et ses rencontres avec les descendants des Mendelssohn. Nous prenant par la main, elle raconte avec une rare sensibilité les lieux de ses pérégrinations : Berlin mélancolique sous la neige de mars, les bibliothèques, les cimetières, les appartements de passage, son propre séjour où elle convie son éditrice et quelques amis à découvrir son grand œuvre, cette fameuse carte généalogique qu’elle a fabriquée avec du bristol, des ciseaux et de la colle, et qui fait partie intégrante de son travail.
Ce roman est un coup de cœur absolu, polymorphe, intelligent, émouvant et drôle. Diane Meur nous séduit par son originalité et nous fascine par son écriture vivante et mouvante. Elle a gagné son pari, accouché d’une famille entière, fabriqué une œuvre d’art et, à sauts et à gambades, nous a fait voyager dans une Europe déchirée par le pouvoir et les religions, mais délicatement cousue en surjet par les langues et les arts. »